Étude comparée de mâles brun rouge mosaïque parmi les oiseaux français champions de France ou internationaux entre 2007 et 2021

Jean-Paul GLEMET

Juge CNJF/OMJ

Oiseaux du Monde n°408 – Juin-Juillet 2023

C’est une nouvelle demande de notre ami Guy Doumergue : « je vais t’envoyer quelques photos de mâles Brun Rouge Mosaïque, et tu pourras nous faire quelque chose comme en 2022 avec les mâles lipos RM ».

Canari brun rouge mosaîque mâle – Éleveur Fabrice Chantraine
Championnat de France Les Herbiers 2014 © Guy Doumergue

A la réception des cinq photos, je m’aperçois que nous allons pouvoir détailler l’évolution du dessin mélanique de cette couleur puisqu’aussi bien à l’International qu’en France il y a eu de nettes évolutions. Peut-être sont-elles des avancées ou au contraire des régressions, je ne prendrai pas partie. Sachons tout d’abord que ces photos sont celles d’oiseaux français, que cette couleur est peu élevée chez nous et concerne donc peu d’éleveurs ; ce qui est certain c’est que ces oiseaux sont des issus d’oiseaux d’origine italienne.

Nous parlerons surtout de ce qu’on appelle le TYPE (la mélanine et sa disposition) qui comprend la tonalité mélanique avec le dessin strié et l’interstrie. Au passage il y aura quelques remarques sur la qualité de la catégorie mosaïque mais on voit bien que tous ces mâles ne sont pas de très haute qualité pour la « catégorie », c’est-à-dire le patron mosaïque. Branches de lunette pour l’un, masques trop réduits pour les autres. On est loin de la perfection pour ce critère « catégorie ».

Mais tout d’abord qu’est-ce qu’un brun ?

C’est un canari « mélanine classique » qui exprime dans son plumage seulement de la mélanine brune donc il n’y a pas de noir visible. Ainsi, les pattes ne seront pas oxydées (pas de mélanine noire). Mais comme le standard dit « mélanine brune dans son expression maximum » le brun devra être abondant et très concentré, donc très foncé tirant parfois au brun chocolat ; les pattes, doigts et ongles aussi seront légèrement brunâtres et non pas couleur chair. Il faut aussi savoir qu’il y a deux familles de mélanines brunes : l’eumélanine brune qui sera dans la strie et donc brune foncée et la phaéomélanine qui se trouve sur le côté des plumes, le long des stries et qui, chez les bruns, aura une tonalité brun roux. Il y a 30 ans, les bruns présentaient un équilibre entre ces deux sortes de mélanines brunes : le dessin strié était fin et il y avait un fond d’oiseau foncé formé de phaéomélanine. En Italie et quelques autres pays clients de l’Italie (Espagne, Brésil) les bruns avaient un dessin plus élargi et moins de phaéomélanine.

En 1997, les standards internationaux ont changé et ont demandé comme en Italie un dessin plus élargi, au détriment de l’abondance de phaéomélanine. On a donc eu petit à petit une sélection vers des oiseaux à stries de plus en plus larges et de mieux en mieux alignées. En parallèle il y a eu une évolution de la tonalité de l’eumélanine des stries devenant brun foncé puis brun chocolat même si on en avait déjà connu des stries brun noirâtre dans les années 80-90 et même sanctionnées quand cette tonalité était plus noire que brune. Évolution de la largeur de stries qui est passée de 40% à 50% puis 60% puis à « le plus large possible ». La difficulté, c’est qu’il faut quand même toujours que le dessin strié ressorte, c’est-à-dire que le fond de l’oiseau (l’interstrie) soit toujours visible et distinct de la strie. Et en parallèle il fallait que l’élargissement ne se fasse pas au détriment de la qualité du dessin, de sa netteté, de son contraste. Les stries doivent être visibles sur le dos bien sûr mais aussi nettement sur les flancs et surtout ne pas disparaître du dessus de la tête. Et se pose alors la question de la tonalité de l’interstrie. Doit-on laisser agir le facteur azul, qui élimine en grande partie la phaéomélanine et fait un fond plus grisâtre ? Cela aide les stries à ressortir mais l’oiseau apparait globalement moins brun. Ce sont de beaux oiseaux spectaculaires mais cette voie, travaillée notamment en Espagne, n’a pas été développée, beaucoup de juges italiens étant réticents. Donc on aura des interstries plus sombres. Ces interstries sont-elles formées de la seule phaéomélanine ou par un mélange d’eumélanine dispersée + phaéomélanine ? Personne ne sait vraiment puisqu’aucune analyse chimique n’a été faite.


Retrouvez cet article et bien d’autres

dans la revue Les Oiseaux du Monde n°408 – Juin-Juillet 2023

Chaque mois les Oiseaux du Monde viennent nicher dans votre boite à lettres.

POUR NE PAS EN PERDRE UNE MIETTE, ABONNEZ-VOUS !


Le standard actuel dit : dessin strié très large, formant des lignes parallèles avec une interstrie visible un peu moins foncée. En face dorsale, les stries sont visibles sur la tête, dans la nuque, sur le dos ; il doit y avoir une continuité du dessin (tête, nuque, dos). Il y a aussi des stries larges et longues sur les flancs et qui remontent vers le haut des flancs et commencent aussi à être présentes en face ventrale (surtout chez les femelles).

Passons maintenant à la description de nos oiseaux photographiés.

Premier sujet : Mâle Champion de France Amiens 2007

Mâle champion de France Amiens 2007 – Élevage Francis Del Fabro
© Guy Doumergue

Nous sommes 10 ans après le changement de standard international donc en début d’évolution. On voit ici un oiseau avec une largeur de stries qui aujourd’hui nous paraîtrait bien insuffisante. Idem pour la continuité longitudinale du dessin. Pour l’époque c’était un oiseau correct mais pas un sujet extraordinaire. Le fond (l’interstrie) est assez clair, c’était la direction que nous cherchions en France, sélectionner des fonds plus clairs pour faire ressortir le dessin strié. Les stries sont visibles sur la tête, elles sont un peu floues dans la nuque. Pour la catégorie mosaïque, le masque va derrière l’œil en formant des branches de lunettes et du lipochrome transpire dans le dos. La tonalité du lipochrome rouge est bonne. Nous avons là un oiseau correct, sans doute le meilleur que nous avions en France cette année- là.

Deuxième sujet : Champion de France Colmar 2008

Mâle champion de France Colmar 2008 – Élevage Fabrice Chantraine
© Guy Doumergue

Nous voyons nettement sur ce sujet l’évolution de la largeur de la striation. En 2008 on voulait une proportion strie/interstrie de 60/40. Cet oiseau y correspond bien. Les stries sont présentes sur la tête et la nuque même si la photo le montre mal. Le fond de l’oiseau est clair avec réduction de la phaéomélanine. Cela se repère aussi sur le bord externe des rémiges qui apparaît plus clair (voir la différence avec les photos des sujets suivants). Le lipochrome rouge est bon et la catégorie est très correcte. Nous avons là un bon oiseau pour l’époque.

Troisième sujet : Champion de France Gravelines 2013

Mâle champion de France Gravelines 2013 – Élevage Jocelyne Levavasseur
© Guy Doumergue

Cinq ans ont passé. Les standards ont évolué demandant, ou plutôt suivant l’évolution imposée par les éleveurs vers une striation de plus en plus large. On le voit sur cet oiseau de 2013, la proportion strie/interstrie avoisine 80/20. La tonalité brune des stries est aussi plus foncée (peut être due à la photo). On remarque aussi que le bord externe des rémiges montre du brun (de la phaéomélanine) ce qui traduit l’évolution voulue chez les italiens et ensuite imposée au niveau international : foncer l’interstrie par une touche de phaéomélanine. L’élargissement des stries est obtenu par un élargissement de la plume, on le voit sur cet oiseau. La difficulté étant d’élargir tout en gardant une structure de plume avec barbules bien accrochées, ce qui n’est pas toujours le cas. Attention aussi à la longueur du plumage : plume plus longue = dessin plus long = c’est bien mais il faut rester raisonnable sinon le plumage global est défaillant comme on le voit ici au niveau des flancs qui ne sont pas bien plaqués.

Quatrième sujet : Champion de France Colmar 2017

Mâle champion de France Colmar 2017 – Élevage Fabrice Chantraine
© Guy Doumergue

Encore quatre ans plus tard voici un bon oiseau. Fautif sans doute au niveau du masque (réduit et avec branches de lunettes) et en forme de tête aussi. Pour le type, on constate bien l’évolution de la largeur, on est plutôt sur 90% de strie pour 10% d’interstrie. La tonalité des stries est plus chocolat que sur les oiseaux précédents et on voit bien la présence de phaéomélanine sur les bords des rémiges. A mon avis, cette phaéomélanine est même trop visible, c’est à dire sur une trop grande largeur du bord des rémiges. Mais cela permet d’avoir un oiseau globalement plus sombre. En 2017 je me souviens qu’à ce National il y avait un très petit nombre de Brun Rouge Mosaïque exposés, cette couleur était déjà en déclin dans notre pays.

Cinquième sujet : Champion international Lens 2021

Mâle champion international Lens 2021 – Élevage Fabrice Chantraine
© Sylvain Chartier

Nous avons là un sujet plus structuré avec une tête large et ronde, avec une bonne tonalité mélanique mais qui pourrait être plus foncée. On voit une bonne largeur du dessin mais sur la photo l’alignement ne semble pas parfait et la striation semble diffuse, pas assez nette sans doute à cause de la structure de plume pas assez fermée en extrémité. La phaéomélanine en bord de rémiges est présente sans être trop abondante. C’est un bon oiseau.

Voici les remarques principales sur ces oiseaux. En espérant que cela aidera chacun à comprendre comment on doit analyser un canari couleur et que cela donnera à de nouveaux amateurs l’envie de se lancer dans cette couleur.

ATTENTION : Cette zone de commentaires n'est pas un formulaire de petites annonces, les annonces ne seront pas publiées. Nous vous recommandons d'utiliser la rubrique Petites Annonces (réservée aux adhérents à l'UOF (COM France) à jour de cotisation).

    Laisser un commentaire

    Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.