Édito par Pierre Channoy

Oiseaux du Monde n°381 – Novembre 2020

Nos oiseaux à l’épreuve de la justice

Pierre Channoy
Président UOF (COM France)

Que de changement et d’épreuves pour notre passion commune au moment où je reprends la plume pour cet édito. Entre le reconfinement, un retour de l’Influenza aviaire, les arrêts du Conseil d’État relativement à l’arrêté du 8 octobre 2018 ou encore les projets de modification de la liste des espèces invasives l’actualité n’est pas si calme…

Comme vous le savez tous, notre pays a été reconfiné par le gouvernement français suite à une explosion du nombre de contaminations. Dans cet élan, nous avons malheureusement dû abandonner l’attribution des titres nationaux UOF (COM France) dans les deux internationaux de Colmar et d’Ollioules. Nous devons chaleureusement remercier les organisateurs des deux rassemblements internationaux pour y avoir cru et avoir porté un projet inattendu, mais tant demandé par nos adhérents. Dans les situations d’urgence, il n’est jamais évident de prendre les bonnes décisions, mais dans le contexte et avec les informations que nous avions, nous restons convaincus qu’il fallait porter au plus loin possible la compétition nationale. De même, c’est avec un serrement au cœur, mais avec beaucoup de courage que nous avons tous pris les décisions d’annuler lorsque la sécurité de vos oiseaux ne pouvait plus être assurée.

Pour l’heure, il faut gérer ce nouveau confinement. Plus allégé, avec le retour d’expérience du confinement du printemps, il nous sera plus vivable, mais le danger reste présent. Pour nos adhérents possédant des volières ou des élevages à une distance supérieure à 1 km de leur domicile, n’oubliez pas de cocher la case des soins aux animaux et d’emporter avec vous la copie de la réponse du ministère de l’agriculture nous autorisant à nous déplacer à titre dérogatoire. La Lettre de Grande Diffusion (LGD 2019-2020 – numéro n°32 du 2 novembre) vous apporte toutes les précisions nécessaires. N’hésitez pas à la réclamer à vos présidents de club ou de région.


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dans la revue Les Oiseaux du Monde n°381 – Novembre 2020

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Quelques cas d’Influenza aviaire dans les populations de cygnes sauvages du nord de l’Europe ont conduit le ministère de l’agriculture à remonter le niveau d’alerte de « négligeable » à « modéré » et aujourd’hui à « élevé » en moins de dix jours. Pensez à bien couvrir vos volières et à ne donner à manger et à boire que sous couvert.

Pour en arriver au cœur de cet édito, c’est-à-dire l’analyse des arrêts du Conseil d’État du 25 septembre 2020, gardons à l’esprit qu’il faudra encore quelques temps pour que les arrêts produisent tous leurs effets et qu’on comprenne toutes les implications qui en découlent.

En deux mots, rappelons qu’après la publication de l’arrêté du 8 octobre 2018, l’UOF (COM France) comme nombre d’associations était opposée aux dispositions trop restrictives de nos activités notamment sur la liste des espèces concernées et les restrictions de présentation au public de certaines d’entre elles. Après avoir exercé un recours gracieux auprès des ministres par le biais de ProNaturA et financé par l’UOF (COM France) et le CDE, la coalition des associations a porté le recours devant le Conseil d’État, juridiction administrative suprême de notre pays.

Pour le juge administratif, il n’y a pas eu d’irrégularité procédurale dans l’adoption de l’arrêté. En effet, la consultation publique peut légalement se substituer à la procédure de consultation de la commission nationale faune sauvage captive. Il confirme donc une large marge d’appréciation laissée au pouvoir exécutif sans qu’il soit bloqué par le mécanisme du « cliquet anti-retour » (ne pas prendre de mesures postérieures moins protectrices de l’environnement). Le ministère bénéficie en effet d’une délégation de la loi pour réglementer le secteur. De même, sans chercher à saisir la Cour de justice de l’Union Européenne (ce qui ne lui a d’ailleurs pas été demandé), le Conseil d’État a relevé que les spécimens de l’annexe A/I CITES étaient par principe interdits à la présentation au public pour la vente et que dès lors, il n’y avait pas d’atteinte à la libre concurrence européenne pour ces espèces. Il a également confirmé le principe d’un marquage obligatoire avant que l’animal quitte l’élevage en validant le principe que pour certains cas, il n’était pas possible de les marquer à la naissance ou dans les jours qui s’en suivent. Dans la ligne de la décision de référé de 2019, le juge a également confirmé qu’il estimait illégal la non prise en compte des immatures dans les quotas. C’est le point le plus crucial en notre défaveur en l’état actuel de la réglementation, mais nous y reviendrons un peu plus tard. L’irrégularité de la signature de la convention entre la SAPV et le Ministère de l’Écologie est le seul point remporté par l’association Agir Espèce membre de la coalition, mais ayant décidé de porter seule le recours contre ce contrat. Victoire, mais pas à la hauteur de ce que l’association aurait souhaité. En effet, le juge administratif est venu déclarer une irrégularité par manque de signature des deux ministères. Il est donc prévu qu’une signature conjointe doive se faire avant la fin de l’année.

Perruche de Bourke opaline pâle fallow [© Guy Doumergue – El. Pierre Channoy]

Les conséquences en sont que l’arrêté du 8 octobre 2018 a été validé dans son ensemble par les juges. Il faudra pour parfaire le système que l’État prenne en compte les immatures et qu’il refasse une convention de délégation de service public pour la gestion des fichiers obligatoires mais en cosignature des ministères de l’agriculture et de l’écologie.

Dans le laps de temps qui court jusqu’à la fin de l’année, votre fédération devra s’employer à :

  • convaincre les services ministériels que la révision de l’arrêté sur les espèces, races et variétés domestiques est plus que jamais nécessaire et qu’il est temps pour le ministère de tenir sa promesse,
  • Négocier avec le ministère de l’écologie pour que la prise en compte des immatures dans les quotas ne concerne que les immatures nouvellement acquis et non ceux nés dans l’élevage,
  • Travailler avec le titulaire de la convention de gestion des fichiers dans le cadre des programmes d’élevage afin de sauvegarder la biodiversité de nos élevages.

Bien que non écartée, l’éventualité d’un recours devant l’Europe n’est malheureusement pas évidente à mettre en œuvre. En effet, en temps normal, c’est par le biais du recours préjudiciel, au cours d’un procès que la question est posée au juge européen. Il resterait la saisine de la Commission européenne, mais c’est comme aller porter plainte au commissariat : encore faut-il que le procureur donne une suite à la plainte…

Dans les toutes dernières heures, nous avons été destinataires d’un projet d’extension de la liste des espèces invasives. Si le projet reste tel que présenté, c’est une grosse partie de nos éleveurs de psittacidés domestiqués qui se retrouvera impactée. Il y a du travail sur la planche et nous craignons sincèrement que la suppression du service juridique voulue par le Congrès de 2018 ait des conséquences préjudiciables sur la défense des intérêts de nos adhérents.

Au final, il va falloir nous préparer à nous adapter à la nouvelle réglementation et à négocier dans la faible marge de manœuvre laissée. Les services de l’UOF (COM France) apporteront dans les mois à venir le maximum de conseils et de mode d’emploi pratique pour que nos adhérents puissent continuer à vivre avec leurs oiseaux en toute sérénité.

Notre passion est touchée, la société évolue, mais nous restons présents et solidaires et nos protégés assurerons la biodiversité de l’élevage de demain ! Ensemble, nous continuerons à transmettre cette relation millénaire qui relie l’homme aux oiseaux !

Pierre Channoy dans sa salle d’élevage [© Guy Doumergue]

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